Se donner (ou pas) les moyens d’assurer l’avenir de la langue bretonne
Difficultés à obtenir le respect, par l’Etat, de ses engagements pour le breton. Promesses électorales qui tardent à se concrétiser. Approche budgétaire cantonnée au court terme. Voilà où en est, à la veille de la session du conseil régional, la politique linguistique régionale.
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Où en est-t-on deux ans après la surenchère de promesses électorales pour la langue bretonne ? En mai et juin 2021, on parlait beaucoup du breton, que ce soit dans les médias ou dans le débat politique. Il faut dire qu’elle avait fait du bruit, l’attaque du Conseil constitutionnel contre la loi Molac, une attaque dirigée contre Diwan et son enseignement par immersion et contre quiconque envisageait de baptiser son nouveau-né du nom de Fañch, Fañch avec un tilde menaçant l’unité de la République française, rien de moins.
1% brezhoneg dans le budget
Dans ce contexte électoral, j’avais défendu une augmentation des moyens de la politique linguistique à hauteur d’un pourcent du budget régional. Il n’était pas question de faire pleuvoir l’argent, un tel engagement doit s’accompagner d’un plan opérationnel et de critères d’évaluation pour que les dépenses soient efficaces et respectueuses de l’argent public.
Les régionalistes et les écologistes avaient porté une proposition similaire : augmenter les moyens en doublant le budget ; le résultat arithmétique de cette promesse était le même que la promesse à un pourcent, mais moins dynamique que le 1% brezhoneg. Un tel engagement n’était pas suffisant pour la liste de droite qui promettait carrément de tripler le budget. Et comme chacun sait, c’est la liste de gauche qui a gagné les élections avec un double engagement : une garantie universelle pour apprendre le breton ou le gallo et un plan de récupération linguistique.
Une dynamique budgétaire amorcée
Deux ans plus tard, malgré les misères constitutionnelles, les écoles Diwan fonctionnent toujours, elles recommencent même à se développer. Mais que sont les promesses électorales devenues ? En tenant compte d’une décision qui sera votée à la fin de la semaine, le budget régional a progressé en deux ans, de 8,36M€ à 9,9M€, une augmentation de 15,8% (1,57M€). Même si je regrette que le président rejette chacun de mes amendements budgétaires — c’est encore ce qui va se passer vendredi après-midi — je reconnais qu’une dynamique est amorcée. Ainsi, par rapport au budget global de la collectivité, la politique linguistique représente désormais 0,47% du total (contre 0,39% en 2021).
Un recours contre l’Etat
Le contexte a évolué favorablement avec la signature, en mars 2022, de la Convention spécifique Etat-Région pour la transmission des langues de Bretagne. Hélas, l’Etat ne fait pas les efforts nécessaires à la mise en œuvre de la convention ; c’est pourquoi j’avais proposé, en avril, un courrier commun signé par tous les groupes politiques du conseil régional (sauf l’extrême droite et les communistes) pour attirer l’attention de la Première Ministre. Cette initiative a recueilli un écho dans la presse, mais deux mois et demi plus tard, Matignon n’a encore pas répondu. Cette situation conduit, pour de bonnes raisons, les associations à se plaindre, à l’exemple de Kelennomp, l’asso des enseignants.
D’ailleurs, avec Div Yezh, l’association des parents d’élèves bilingues de l’enseignement public, Kelennomp envisage, d’ici la rentrée scolaire, de traîner l’Etat devant le tribunal administratif. « Ils ont raison, » ai-je déjà entendu commenter plusieurs élus locaux.
Des promesses électorales floues
Tergiversations à Paris, mais également à Rennes, où, deux ans après la bataille électorale, les promesses de la majorité n’ont pas avancé, elles n’ont d’ailleurs jamais été étudiées. Pendant la campagne, la promesse d’une garantie universelle d’apprentissage m’avait étonnée : c’est quoi ce machin ? D’ailleurs, personne ne l’a réclamé et personne ne sait le définir ? Foin d’a-priori, me suis-je dit, réfléchis !
Une garantie universelle est un dispositif censé garantir l’effectivité des droits fondamentaux ; dans cette veine, je ne connais que le droit au logement opposable (Dalo). Mais comment l’adapter à un droit à la formation ? Mes recherches ne m’avaient donné qu’un exemple similaire, le congé formation des conseillers prudhommaux. Je voulais que la majorité déculottât sa pensée, je donc proposai, en avril, un vœu qui inscrirait noir sur blanc dix principes d’une garantie universelle pour apprendre le breton ou le français. Après quelques échanges rugueux avec le président, en toute fin de session, j’avais accepté de retirer le texte en échange d’une… promesse (encore une !) d’un prochain travail commun. Maintenant que le vice-président en charge de la politique linguistique retrouve la santé, on peut espérer que ce travail démarre.
Fañch de Lorient, brevet des collèges : des signes encourageants
La semaine derière, la remise en selle du vice-président s’est accompagnée d’autres signes positifs. L’inscription d’un petit Fañch sur le registre d’état civil de Lorient m’a fait chaud au cœur.
Après le ñ du petit Fañch Bernard, validé par la jurisprudence en 2019, après deux refus de l’administration, à Pabu et à Morlaix en 2019, après la censure du Conseil constitutionnel en 2021, la cuvée Fañch de 2023 se montre vraiment engageante. Il est même question d’une œuvre monumentale à la gloire du ñ, sur les berges de l’Elorn à Landerneau !
Un autre bon présage est arrivé samedi, à propos du Diplôme national du brevet : l’Education nationale a enfin consenti à corriger les épreuves de sciences et technologie rédigés en breton par les élèves. Il y a six ans, une trentaine de collégiens de Plésidy l’avaient fait, mais ils n’avaient pas été corrigés… ce qui leur avait valu une bien mauvaise note à l’époque.
Bien heureusement, les temps changent et quoi que sous-entende France Culture : les langues régionales ne mettent pas la République en danger !